CORPS DES MATELOTS DE LA GARDE PREMIER EMPIRE : SOLDATS DE STRASBOURG FIGURINE DE CARTE EN CARTON gouaché par la famille WURTZ, deuxième tiers du XIXème siècle, vers 1815-1848. 31156-1
Un piéton, H du bas du socle à la hauteur des yeux 8,5 cm.
Collé sur un socle en bois.
France.
Première moitié du XIXème siècle.
Bon état.
PROVENANCE :
Ancienne collection Wurtz-Peés, puis Saint-Aubin, et collection privée.
Monsieur Marcel Saint-Aubin, est un collectionneur devenu antiquaire entre-deux-guerres. À ma connaissance aucune biographie ni article n'ont jamais été publiés sur cette personnalité qui est pourtant connue des collectionneurs et très souvent citée dans les provenances d'objets historiques souvent de grande qualité. C'est pourquoi je vais ouvrir mes archives pour faire mieux connaître ce grand connaisseur :
« Mobilisé lors de la Première Guerre Mondiale ainsi que son frère dans l’infanterie, ce dernier fut tué à Verdun. Tous deux partageaient les mêmes goûts pour les souvenirs militaires ; l’un et l’autre dessinaient et publiaient leurs dessins dans la revue « La Giberne » avant 1914.
Après la guerre il s'installe comme antiquaire. En 1926 il habitait au 108 rue de Ménilmontant (Paris 20ᵉ), soit très en dehors des quartiers de prédilection des antiquaires. Son choix portait sur la spécialité qui l’attirait depuis longtemps : la curiosité militaire. L’étincelle qui l’orienta vers cette spécialité, vint de sa première trouvaille : un sabre d’officier de cavalerie légère du Consulat, son premier beau sabre ; il l’appelait son « porte bonheur » et il l’avait toujours conservé.
Le métier d’antiquaire permettait à Saint-Aubin de voir et de posséder quelque temps ces objets tant appréciés. Fin connaisseur, il ne se trompait jamais et ses clients bénéficiaient de sa science. Chercheur passionné, tout ce qu’il découvrit dans sa vie fut étonnamment varié. Silencieux et modeste, il avait un art et une manière qui laissèrent un souvenir impérissable chez les amateurs l'ayant connu.
Comme la plupart des marchands d'objets militaires de cette époque, Marcel Saint-Aubin n’avait pas de magasin. Il recevait dans son appartement, peu d’objets s’y trouvaient et ils n’occupaient qu’une place provisoire. Généralement, comme Paul Jean, il allait chercher les objets qu’il voulait vendre dans la pièce voisine et il les présentait le plus souvent sans rien dire, avec un léger sourire, ou encore si l’objet présenté était vraiment exceptionnel, il disait simplement sans hausser le ton « C’est du nanan … ».
En juin 1940, lors de l’occupation, il part pour Guingamp. Il revint à Paris où il se réinstalla fin 1951, dans la maison qu’il avait acquise, 16 rue Henri Pape, dans le 13e arrondissement, une fois encore, très loin du quartier des antiquaires.
Son amour des objets dont il se séparait se retrouvait jusque dans le soin qu’il apportait à leur emballage. Très adroit de ses mains, il protégeait parfaitement la pièce la plus modeste.
Marcel Saint-Aubin est mort à l’âge de 83 ans, emportant avec lui l’estime de tous ceux qui le connurent, laissant unanimement le souvenir d’un homme ayant de grandes valeurs morales. »
HISTORIQUE :
Les soldats de Strasbourg sont des figurines de carte, des soldats « plats », découpés dans du carton rigide. Dans la plupart des cas ces soldats sont dessinés puis imprimés par planches pour en multiplier le nombre plus facilement.
Christian Blondieau dans son ouvrage « Petits soldats de plomb, d'étain, de papier, de carton ... 1765-1965 - Le guide du collectionneur » Éditions Le Képi Rouge Paris 1996, précise pour les soldats en carton :
« [...] contrairement aux soldats de papier destinés davantage à la jeunesse, coloriés souvent de façon maladroite, le soldat de carte est réalisé pour l'adulte et donne la garantie d'une grande précision uniformologique, qui servira de base à notre documentation moderne...
Pourquoi, les petits soldats d'Alsace font-ils référence ? Parce qu'ils ont été réalisés par la majorité des cas par les témoins oculaires du temps ou leurs descendants, et sont bien souvent contemporains à l'époque qu'ils représentent.
Lors des guerres de la Révolution et de l'Empire, les habitants de Strasbourg (alors ville de garnison) voient passer dans les rues de leur cité un grand nombre de soldats aux uniformes multicolores partant se battre en Allemagne.
Ce déferlement de troupes qui va durer plus de quinze ans donnera à certains l'idée de « croquer » sur le vif ces beaux militaires.
Les auteurs alsaciens s'accordent pour citer Benjamin Zix (1772-1811) comme le précurseur du genre. Devançant Léopold Beyer, l'allemand Geisler ou l'autrichien Klein, l'alsacien Zix nous donne un aspect très réaliste du soldat de l'époque, car combattant lui-même, il parcourt les champs de bataille plus souvent armée d'un crayon que d'un fusil. Il devient dessinateur Officier de l'Armée.
De la paix de 1815 à la guerre de 1914, les artistes strasbourgeois poursuivent de génération en génération ce besoin de dessiner et de peindre[...] ».
Sous le Premier Empire Strasbourg comportait environ 30.000 habitants, avec une garnison permanente entre 6.000 et 10.000 soldats, mais cette ville est aussi le passage obligé d'innombrables troupes de la Révolution et de la Grande Armée qui partent pour les campagnes d'outre Rhin.
De tous ces artistes, et pour cette période, les trois plus connus sont : Thiébaut Borerst (par erreur orthographié Boersch) (1782-1824) boulanger farinier il commence à dessiner vers 1800, neveu du peintre Benjamin Zix, sa collection fut dispersée aux enchères à Angers le 10 mars 1971, son style est probablement le plus abouti que nous connaissons. Eugène Nicollet (1802-1872) qui peignit ses soldats dès 1817 (il avait 15 ans) et ce durant 55 ans, sa collection est conservée au Musée de Compiègne, son style est plus naïf. Wurtz à qui nous consacrons un paragraphe spécifique. Paul Schmidt dont chaque figurine est annotée au dos du nom du soldat ainsi "croqué", cette collection conservée au Musée de l'Armée à Paris a la caractéristique de représenter les soldats de la Garde Nationale de Strasbourg, entre autre.
D'autres artistes ont eux aussi travaillé de la même manière : Frédérik Schmidt (né en 1796). Mais on peut également citer Édouard Kratz (1803-1885), Schmidt fils (né en 1824), Théodore Carl (né en 1837)...
COLLECTION WURTZ (Würtz orthographe Allemande) :
Wurtz a commencé sa documentation sous le Premier Empire et a débuté la fabrication de ses figurines dès 1815. La fabrication est poursuivie par le fils qui achève sa collection avec l'aide de son beau-père Mr Peés « napoléonienne » sous la Deuxième République, certaines des figurines que nous présentons ont la date 1848 à l'arrière du carton. Ces figurines sont de très belle qualité. L'auteur d'Edward Ryan dans son ouvrage “Paper Soldiers the illustrated history of printed paper armies of the 18th, 19th & 20th centuries“ (Golden Age Editions, Londres 1995) écrit « la représentation la plus précise et la plus complète des troupes du Premier Empire ». Chaque régiment est représenté dans tous les grades et types d'uniformes de manière exhaustive ce qui est rare dans les représentations des soldats de Strasbourg.
Le fils de Monsieur Wurtz a probablement comblé les uniformes qu'il n'a pas observés lui-même par d'autres sources documentaires, il n'a laissé aucune note ni documentation.
Le fils Wurtz à la chute du Second Empire refusa de rester à Strasbourg sous l'occupation prussienne et vint s'installer à Paris dans le quartier de la porte de Clichy où il tenait une pharmacie. Suite à son décès en 1899, la plus grande partie de sa collection -près de 19 000 figurines provenant de son ancêtre - fut donnée au Musée de l’Armée, le 1er octobre de la même année ; elles y furent exposées en 1938 et y sont restées depuis.
L'expert spécialiste Christian Blondieau juge le style de Wurtz comparable à celui de Nicollet et de Kratz.
Référence :
31156-01